Si j’en juge par sa popularité via Technorati, cet article dans Le Monde, intitulé « Tous journalistes ! », n’a été que peu repris dans la blogosphère (3 blogs le mentionnent, à ce jour). Cela me semble particulièrement injuste. Non seulement il est différent des autres articles de presse relatifs aux blogs, mais il est capital. Je ne suis pas loin de penser qu’il marque même une étape dans la croissance du phénomène, ou du moins sa compréhension en France.
L’article commence fort : « Les journalistes bénéficiaient jusqu’ici d’un monopole : recueillir l’information et la mettre à la disposition du public. Ce monopole n’est plus ». Puis, après avoir expliqué la notion de blog et fourni quelques exemples, l’auteur y compare – souvent pour les opposer – blogueurs et journalistes (on notera d’ailleurs l’utilisation soigneuse de guillemets pour parler « d’information » ou de « vrais » journalistes…).
Et finalement, il conclut : « Avec Internet, le grand échiquier de l’information est devenu un jeu où les pions et, malheureusement, les fous défient aujourd’hui les rois et les reines. Tous journalistes ! Il n’y a plus de positions assurées, s’il y en a jamais eu. Quand une information passe d’un individu à un autre sans intermédiaire, ceux dont la fonction est d’être des passeurs, des médiateurs – journalistes, enseignants ou élus – sont condamnés. A s’adapter. »
Cet article est très bon, en ce qu’il expose avec justesse les fondements de la problématique. Oui, le monde a changé. Oui, les usages d’Internet et la manière dont nous consommons l’information ne sont plus ce qu’ils étaient. Et, oui, les blogs sont en train d’engendrer une mutation dont nous ne vivons que les prémices.
Mais au délà du constat, l’article est édifiant dans l’inquiétude qu’il traduit. Contrairement à beaucoup d’autres articles qui ont précédé celui-ci, on ne cherche pas à minimiser les blogs. Il n’est plus question ici de « journaux initimes d’ados » ou de tendance passagère, mais bien du constat – amer – qu’avec l’avènement des blogs, les choses ne seront plus jamais comme avant.
Car, en effet, la question n’est pas – ou plus – de se demander ce que doit être ou non un journaliste, mais de comprendre, voire d’accepter qu’il est urgent d’en redéfinir le sens.
De ce point de vue, cet article constitue, peut-être malgré lui, une démonstration de lucidité.
(Qu’on me pardonne cette fanfaronnade, mais je ne peux m’empêcher d’auto-citer cet extrait du tout premier billet publié dans Pointblog :
« Les blogs sont parfois présentés, à tort ou à raison, comme ‘l’avenir du journalisme’. Nous verrons bien, mais il paraît certain que la puissance potentielle d’un blog, la multiplication des ‘blogueurs’ dans le monde, et le caractère protéiforme des blogs obligent les médias traditionnels à se remettre en question. A n’en pas douter, nous assistons à une mutation profonde, qui concerne le mode de consommation et de production de l’information sur le Web. »